Lorsqu'on lui demande de s'exprimer sur les femmes et le roman, Virginia Woolf se rend compte qu'il ne s'agit pas simplement d'évoquer quelques grandes auteures : elle préfère penser les femmes et la condition de création. Être auteur, encore au début du XXe siècle, est conditionné par le sexe et les moyens économiques. Seule possibilité pour celles qui veulent s'exprimer : des moyens, et surtout un espace, une chambre à soi, pour libérer la création. Ce titre, emprunté à l'auteure britannique, exprime très bien cette volonté de dire et lire les femmes.
Parlez de féminisme, et les réactions ne se font pas attendre, qu'elles soient négatives ou enthousiastes, féminines ou masculines. Si le féminisme prend de multiples formes, on retrouve à chaque fois cette volonté de comprendre à quel point les mécanismes sociaux peuvent influencer nos comportements et modes de pensée, favorisant inégalités et violences, que se soit dans la vie personnelle, professionnelle, ou dans l'espace public. L'écriture devient un moyen d'expression privilégié, qui permet de mettre en avant des voix audacieuses, des femmes qui d'une façon ou d'une autre luttent, partagent et inspirent, pour plus d'égalité et de respect.
Les livres présentés dans cette série d'articles sont autant de pistes de réflexion pour découvrir des figures de femme déterminées et motivantes, pour rendre compte de modes d'existence féminins et de trajectoires de vie multiples : provoquées, déterminées, imprévisibles, mais toujours enrichissantes.
Enfin réédité, ce roman d'Helen Zahavi est une énorme claque et ne vous laissera pas indifférent. A sa parution, il a fait l'objet d'une demande d'interdiction car était jugé immoral ; c'est aujourd'hui avec plaisir que nous l'accueillons de nouveau sur nos tables.
Ce livre raconte l'histoire de Bella, Bella qui en a marre. Marre de son voisin qui l'observe, qui l'appelle, la harcèle, la menace. Bella ne vit plus, elle se cache dans son tout petit appartement en sous-sol, vit recluse, dans le noir, pleine d'appréhensions. Ne sachant d'abord comment réagir, Bella se décide finalement à prendre les armes : puisque le monde semble se diviser entre deux camps, loups et agneaux, autant être un loup, ou plutôt une louve. Et sa première victime n'est autre que son voisin, premier d'une série de victimes mâles qui n'ont pas été corrects, qui ont été prétentieux, qui ont été trop loin. Et Bella se sent enfin en sécurité, forte, vivante. Elle s'approprie la violence dont elle a été jusque là victime, car elle n'a d'autre choix pour survivre.
Il y a dans ce livre cruauté et cynisme, l'écriture de Zahavi est très forte, précise, les mots sont martelés dans notre crâne avec force. Ce texte rend compte d'une réalité sociale malheureusement encore très juste, aucune solution n'est apportée, simplement des questions soulevées. Et ce texte se lit presque comme un conte destiné à effrayer les enfants le soir. Génial !